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Carte Deir El Medina

Dans un vallon isolé de la montagne thébaine, sur la rive ouest de Louqsor, se trouve un site exceptionnel de presque 7 hectares désigné par son nom arabe de Deir el-Médina. Moins connu des touristes que les réalisations grandioses du Nouvel Empire érigées pour les rois et les reines comme les temples royaux, les impressionnants colosses de Memnon ou encore les tombes monumentales décorées des pharaons de la Vallée des Rois, le site n’en ait pas moins important pour notre connaissance de l’Égypte ancienne. C’est ici que des fouilles archéologiques ont permis de mettre au jour un ensemble urbain occupé pendant plus de 500 ans, entre les règnes de Touthmosis Ier et de Ramsès XI, où ont vécu les artisans chargés d’œuvrer à la réalisation de la tombe du roi régnant et de sa famille. Composé d’un village, d’une nécropole et de lieux de culte et de rassemblement, le site de Deir el-Médina est une exception dans un paysage archéologique où ailleurs, en Égypte, les agglomérations se sont superposées au fil des siècles. Les vestiges et les objets, dont le bon état de conservation est sans doute dû à la localisation du site dans le désert, ont permis de mettre au jour une quantité importante de documents sur la vie privée et professionnelle des habitants, sur leurs mœurs, leurs habitudes alimentaires, leurs droits et leurs devoirs, sur leur travail, mais aussi sur des faits divers locaux qui ont pu animer cette communauté autant que sur des évènements historiques marquants dont ils ont été les témoins.

 

Si les découvertes les plus importantes datent de cette époque du Nouvel Empire, les fouilles archéologiques ont aussi démontré que le site a connu de nombreuses phases d’occupation. Des traces d’habitats préhistoriques ont été mises au jour sur la colline de Gournet Mourei, qui borde le site à l’est, et nous savons qu’une église, consacrée à Saint Isidore le Martyr et aménagée dans le temple gréco-romain, est restée en activité jusqu’au VIIIème siècle après J.-Chr.

Maison de fouilles

L’histoire de la maison de fouilles de Deir el-Médina est liée à celle de l’exploration du site archéologique. C’est à Ernesto Schiaparelli, directeur de la mission archéologique italienne du Museo Egizio de Turin, que revient la construction de la première habitation, au début du 20ème siècle. Située sur la plus haute terrasse de la nécropole de l’ouest, elle fait partie du camp de base de la mission comprenant également plusieurs tentes.

Les photographies d’archives disponibles sur le site internet du Museo Egizio de Turin (https://archiviofotografico.museoegizio.it/en/archive/theban-region/deir-el-medina/campsite/?photo=C00918), montrent une architecture simple : trois pièces ouvertes vers une terrasse à l'est protégée par un appentis. Lorsque la mission française obtient la concession de Deir el-Médina en 1917, la maison est toujours présente. Bernard Bruyère, l’archéologue nommé par l'Ifao pour diriger les opérations scientifiques sur le site, la qualifie de « baraque à trois pièces construite en briques crues antiques et recouverte de planches ».

 

Le plus ancien document d’archive de l’Ifao concernant la maison de fouilles date de mars 1922. Il s’agit d’une facture pour des travaux d’agrandissement, signée par Georges Foucart, alors directeur de l’Ifao, pour des « achats divers (…) pour agrandissement et aménagement d’une maison et construction de deux magasins pour les antiquités ». Aucun autre document n’apporte des informations sur l’évolution de la maison de fouilles. Seules quelques photographies anciennes prises lors des campagnes de terrain permettent de documenter les travaux réalisés pendant les trente ans de présence de Bernard Bruyère sur le site entre 1923 et 1952. Une salle commune pour les repas, une cuisine et plusieurs chambres ont été ajoutées à la maison italienne, aménagées dans d’anciennes tombes anépigraphes. Des magasins pour le stockage des antiquités ont été construits dans le prolongement de la maison, vers le sud. Vers le nord, un petit bâtiment indépendant servait de dispensaire à Françoise Bruyère pour soigner les ouvriers et les habitants de la région. L’état actuel de la maison n’a pas beaucoup évolué depuis les dernières années de Bernard Bruyère sur le site. Le dispensaire a disparu, remplacé par une salle de bain ajoutée dans les années 1970. 

 

Habiter sur un site archéologique impose une organisation spécifique pour la préservation du lieu. Il n’y a donc toujours pas d’eau courante afin d’éviter les fuites de canalisation qui pourraient endommager les tombes peintes creusées dans le calcaire poreux de la montagne thébaine. L’eau utilisée pour la cuisine et la salle de bain est donc acheminée quotidiennement à dos d’âne, comme cela se faisait déjà dans les années 1920. Les eaux usées sont redescendues de la même manière dans la Vallée.

Village et maisons

Ce village est l’un des rares exemples connus d’architecture urbaine de l’Égypte ancienne. Les maisons ont été réparties de part et d’autre d’une ruelle longitudinale coupant le village en deux dont l’entrée était au nord. Des postes de garde occupés par des guerriers Medjaï étaient placés aux points stratégiques à chaque extrémité. Une partie du village n’a pas été fouillée et se trouve encore sous le parking aménagé pour les visiteurs. Les maisons du village sont exiguës et construites sur le même plan. Elles occupaient une superficie moyenne de 72m2, jusqu'à 120m2 pour les plus grandes. Le nom du propriétaire était inscrit sur le montant de la porte d’entrée. On ne sait pas si ces maisons étaient pourvues d’un étage. Les soubassements des murs encore en place indiquent qu’elles étaient composées de plusieurs pièces : un hall d’entrée souvent doté d’une d’alcôve peinte, comme sur la photographie; une deuxième pièce à colonnes plus grande percée de niches pour une stèle ou une représentation d’un ancêtre sous la forme d’un buste; deux ou trois autres pièces en enfilade. La pièce la plus éloignée de l’entrée qui servait de cuisine était équipée d’un four en terre cuite et d’une petite cave utilisée pour garder les aliments et les liquides au frais.

Temples et chapelles ramessides

La zone cultuelle occupe un tiers du site archéologique de Deir el-Médina. Située au nord du village, elle abrite des temples et plusieurs petites structures constituées d’une pièce où pouvaient se réunir plusieurs personnes et d’une partie réservée, sans doute votive. On ne connait pas précisément leur fonction, mais les assises de siège en pierre gravées au nom des habitants retrouvées dans la première pièce laissent penser qu’il s’agissait de lieux de rassemblement réservés à des confréries. Au moins deux temples ont été dégagés à l’extérieur de l’enceinte du temps ptolémaïque : le premier date du règne de Séthi Ier, le second du règne de Ramsès II. Celui de Séthi Ier était sans doute dédié à la déesse Hathor. Il se trouve au nord du temple ptolémaïque. Construit selon un axe nord nord-ouest et sud sud-est, il se compose d'une salle extérieure, d'une salle intérieure, d'un pronaos, d'un sanctuaire et de chambres annexes. Une rampe centrale flanquée de marches mène à l'avant-cour pavée, où deux puits funéraires ont été mis au jour, l'un est antérieur à la construction de la chapelle, l'autre est de l’époque ramesside. On accède à la salle extérieure par cinq marches. Dans la salle, deux bases de colonnes sont alignées de part et d'autre de l'axe central et une banquette est placée contre le mur sud. Deux marches mènent à la salle hypostyle intérieure, où se trouvaient deux autels et un bassin rectangulaire en calcaire. On y a trouvé également des fragments de peintures murales. Le pronaos étroit s'ouvre directement sur un sanctuaire tripartite, auquel on accède par une volée de marches entre des balustrades.
Le temple de Ramsès II, le fils de Séthi Ier, est moins bien conservé. Les ruines sont situées face au mur de l’enceinte du temple ptolémaïque, adossées à la pente de la colline de Gournet Mourai. Une volée d'escaliers mène à l'avant-cour du temple construit selon un axe sud-est-nord-ouest. On accède à une salle extérieure par deux marches en calcaire. Un pronaos avec un sanctuaire tripartite dédié à la triade thébaine est accessible par une volée de six marches. Un décor de serekh a été appliqué sur la base des murs, et des traces de la figure d'un homme agenouillé étaient visibles sur le mur sud. Le temple possède une chapelle attenante au mur nord. Il a subi au moins deux phases de construction.

Nécropole de l'ouest

Une soixantaine de tombes a été répertoriée dans la nécropole à l’ouest du village. Seules sept datent de la 18ème dynastie, toutes les autres mises au jour sont d’époque ramesside. Elles sont constituées d’une cour et d’une chapelle ouverte aux vivants, surmontée d’une pyramide. Le corps du défunt était placé à l’intérieur d’un sarcophage dans un caveau souterrain décoré et accessible par un puits creusé dans la cour où à l’intérieur de la chapelle. Parmi ces tombes, on trouve par exemple celles de :

- Sennedjem, qui date de l’époque ramesside et contenait plusieurs sarcophages et momies ainsi que tout le mobilier funéraire de sa femme et de trois de ses dix fils. Le caveau est décoré de représentations des membres de la famille et de textes du Livre des Morts.

- Neferhotep, cette tombe est la plus grande de la nécropole et appartenait à l'un des chefs d’équipe en charge de la construction de la tombe du pharaon Ramsès II. Sur un papyrus conservé au British Museum, il est écrit que Neferhotep a été victime d’un assassinat. Aujourd’hui encore, l’identité du meurtrier n’est pas connue, mais peut-être que les recherches en cours dans la tombe vont nous permettre d’élucider ce mystère vieux de plus de 3000 ans.

- Le caveau familial d’Amennakht, qui est constitué de trois tombes de la 19ème dynastie appartenant aux membres de la même famille. Les pièces sont décorées de scènes montrant les divinités de l’au-delà. Sur un des murs, le dieu Osiris est assis devant une masse rose parsemée de petits points, il s’agit de la représentation de la montagne thébaine dans laquelle ont été creusées les tombes de Deir el-Médina.

Nécropole de l'est

Située sur l’autre versant du village, cette nécropole est constituée de tombes dépourvues d'élévation et creusées pour des personnes qui ne faisaient pas partie de la communauté des artisans de Deir el-Médina. La plupart ont été découvertes inviolées par Bernard Bruyère. Elles renfermaient du mobilier funéraire en bon état dont certains éléments ont rejoint les collections du Musée du Louvre.

Grand puits

Profond de 54 mètres et large de plus de 35 mètres à son ouverture, ce puits est le témoin des tentatives répétées des anciens Égyptiens pour atteindre l’eau de la nappe phréatique afin d’être moins dépendant des approvisionnements qui venaient de la Vallée du Nil. L’entreprise ayant échoué, le trou équipé d’un escalier a servi de décharge pour le village, une aubaine pour les archéologues qui y ont retrouvé des milliers d’objets et d’ostraca (tessons de poterie ou éclats de calcaire inscrits), une source importante pour comprendre le fonctionnement du village et la manière dont vivaient ses habitants.

Puits des Divines Adoratrices d'Amon

Plusieurs puits profonds ont été creusés à une époque indéterminée dans la falaise qui limite au nord le site de Deir el-Médina, au nord-ouest du temple ptolémaïque. En 1832, des officiers de l’expédition française fouillent un des puits et découvrent le sarcophage d’Ankhnesnéferibrê, une divine adoratrice d’Amon de la 26ème dynastie. Le monument est rapporté en France puis vendu ensuite au British Museum de Londres, après que la France a refusé de l’acheter. La tombe a dû être pillée peu après la mise en place du sarcophage car un haut fonctionnaire appelé Pymontou qui vécut à l’époque d’Auguste, fit graver son nom dessus et le réemploya. En 1885, Gaston Maspero fouilla un autre puits dans la falaise et mis au jour le sarcophage d’une autre Divine Adoratrice du nom de Nitocris, qui est exposé au musée égyptien du Caire.

Temple ptolémaïque

Le temple situé au nord du village a été construit entre les IIIème et Ier siècle av J.C. sur les vestiges d’un temple plus ancien de l’époque de Ramsès II. Il est dédié à la déesse Hathor dont la figure est gravée sur les murs sous la forme d’une femme qui tient dans les mains une croix de vie et un sceptre en forme de tige de papyrus. Elle est coiffée d’une couronne faite de deux cornes encadrant le soleil. La déesse est considérée comme une mère nourricière, c’est pourquoi elle est parfois représentée sous la forme d’une vache comme sur le mur nord-ouest du pronaos, la pièce qui précède les trois chapelles. Sur la façade extérieure sud du temple, un mammisi fut aménagé. À l’extérieur du temple, sur la façade nord fut construit un petit temple appelé « adossé ».

Le temple était une des étapes de la fête annuelle célébrée en l’honneur du dieu Amon qui résidait sur la rive est dans le temple de Karnak. Chaque année, sa statue était transportée par bateau sur la rive ouest et portée en procession dans plusieurs lieux de culte de la nécropole thébaine. La célébration durait plusieurs jours, aussi certains temples étaient utilisés comme lieu de halte pour la statue divine qui y séjournait la nuit. Aux époques tardives, le temple a été transformé en monastère chrétien. Des graffitis gravés sur les murs témoignent de cette conversion du monument.

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